• Caroline STIL, Diplômée de l'Ecole du Louvre

La Couche Picturale

Les quatre étapes d'une renaissance

Jusqu’à l’époque dite « moderne » en peinture, certaines lois étaient respectées de siècle en siècle: ce que l’on nomme peinture est une succession de couches qui comprend l’encollage préalable de la toile (à l’aide de colles animales, végétales ou industrielles), ensuite, l’artiste déposait une autre sous-couche dite « la préparation » (en général, du blanc de Meudon, de Plomb ou d’Espagne associé à une colle et quelques fois, comme au 18° siècle, par volonté esthétique, la préparation était teintée au pigment terre de Sienne).

Préparation blanche sur bois du 16°s et préparation orangée sur toile du 18° siècle


Cette base étant sèche, elle était prête à recevoir le film peint, les pigments broyés (d’origine naturelle comme les minéraux -ocre, terres naturelles brunes,  jaunes et vertes, oxydes de fer, lapis-lazuli, cobalt, malachite, bleu et vert de cuivre, jaunes d’étain et de plomb, rouge minium, terres d’ombre, de Cassel…-les essences de végétaux et d’animaux – racines de garance, bleu feuilles d’indigo, violet de jus de mûre, rouge kermès issu d’un insecte, pourpre du coquillage murex, noir de charbon, laque de gaude…) associés à divers liants (huiles de lin, de noix, d’œillette, essence d’aspic, résines de térébenthine.

Terres naturelles, bleus de cobalt et de lapis-lazuli, rouge des racines de la Garance et jaune extrait de la Gaude

Jusqu’à la fin du XIX° siècle, les peintres jouaient sur la nature de ces liants pour réaliser des œuvres en couches superposées, variant les dosages pour créer au départ des empâtements épais et couvrants jusqu’au fins glacis finaux réalisés avec des huiles grasses qui fluidifient les dépôts de pigments. Ces derniers colorent les surfaces qu’ils couvrent en captant certaines longueurs d’ondes du spectre lumineux.

Le tout est recouvert par un vernis dont les substances rejoignent quelque fois celles des vernis.

Le vieillissement des peintures est un processus naturel

Toutefois, on distingue plusieurs types d’altérations : les craquelures prématurées (rides, gerçures, crevasses, peaux de crocodile…qui résultent parfois d’un défaut de fabrication: temps de séchage trop court entre deux couches, utilisations de pigments inappropriés comme les bitumes du 19° siècle…) et les craquelures d’âge (souvent en tuile et en soulèvements).

craquelures prématurées et craquelures d'âge :les premières apparaissent par défaut, les secondes sont naturelles

Le stade ultérieur est la perte de cohésion de la peinture avec son support: si le tableau est exposé à d’importants écarts de température et à des vagues d’humidité, la colle de la préparation, la sous-couche elle-même et enfin, l’ensemble du film peint s’écaillent et apparaissent des lacunes. Il est alors urgent de refixer la couche picturale.

Lacunes sur toile et sur bois (oeuvres du 18°siècle)

Selon la sensibilité de l’œuvre, cette opération se fait à la cire (œuvres craignant l’humidité) ou avec diverses colles spéciales de restauration qui ne jaunissent pas dans le temps.

Refixage et remise dans le plan d'écailles à la spatule chauffante

On peut alors procéder à la restauration du support puis aux sondages et à l’allègement du vernis.

Des ravages des mauvaises restaurations…et de l’intérêt pour les matériaux de retouches réversibles

Le métier de restaurateur ne consiste pas seulement dans la réparation de lacunes de toile et dans la remise en valeur de la palette originale par un savant nettoyage ou allègement du vernis; il est très usuel de devoir retirer également des éléments étrangers, matériaux divers et retouches antérieures. Certains sont polluants voire irréversibles! Tout un art…aussi il est nécessaire de se renseigner de l’arrivée sur le marché de produits innovants qui permettent chaque fois de repousser plus loin la conservation d’une oeuvre;  souvent grâce à des matériaux mis au point par des scientifiques et des amoureux de l’art. C’est ce qui semble avoir motivé Mr Gamblin, aux Etats-Unis, passionné de pigments et de couleurs. A l’heure actuelle, et bien au delà des frontières françaises, les plus grand spécialistes de la couche picturale se penchent sur des tests de stabilité dans le temps et de réversibilité de ces nouveaux pigments. A l’Atelier du Regard, on se renseigne et y songe pour bientôt…